La morsure en collectivité : un défi à accompagner

En collectivité, la morsure est un sujet délicat qui suscite souvent des réactions vives chez les professionnels, laissant parfois un sentiment d’incompétence et d’impuissance.
Comment vivre et accompagner ces situations, qui ne sont pas anecdotiques dans le quotidien d’une éducatrice ?

Ce geste à connotation agressive est difficilement toléré car :

• Il renvoie à un sentiment d’injustice.
• Il remet en question la morale.
• Il est perturbateur pour le groupe

Les causes

Immaturité émotionnelle et cérébrale :
• À cet âge, le cortex préfrontal, responsable de la gestion des impulsions, est encore immature. Les enfants agissent souvent de manière impulsive sans anticiper les conséquences de leurs gestes.
• Ils ne comprennent pas toujours que leurs actions peuvent blesser autrui, car leur capacité d’empathie est en développement.
• Les morsures peuvent survenir lors de conflits (ex. : pour défendre un jouet) ou face à des émotions intenses qu’ils ne savent pas gérer.

Manque de langage :
• En l’absence d’un vocabulaire suffisant pour exprimer leurs besoins ou émotions (colère, frustration, excitation), les enfants utilisent leur corps, notamment en mordant.

Exploration sensorielle :
• La bouche est un outil d’exploration important pour les jeunes enfants. Mordre peut être une manière de découvrir ou de répondre à un besoin sensoriel.

Facteurs contextuels :
• Fatigue, stress, changements dans la routine ou un environnement sur peuplé peuvent augmenter la probabilité de morsures.

L’important n’est pas de punir mais d’accompagner , mais comment ?

Pour commencer Anticiper !

Les plus grandes conséquences et impact positif viendront d’une bonne anticipation.

1. Observer les dynamiques :
• Identifiez les moments ou contextes où les morsures se produisent le plus souvent (fatigue, conflits autour d’un jouet) afin d’intervenir en amont.

2. Adapter l’environnement :
• Favorisez les petits groupes pour réduire la tension et permettre une meilleure supervision. Par exemple, si un enfant mord fréquemment un autre, envisagez de les séparer temporairement et d’intégrer l’enfant dans un groupe où les interactions sociales sont plus positives.

• Faire des rotations des jouets : Limiter les objets fortement attractifs générateurs de conflits

• Aménager des zones de retrait : Coin sensoriel, espace de régulation émotionnelle.

3. interroger son comportement d’adulte :
• Dans la pédagogie Montessori, il est recommandé que l’éducateur adopte une posture calme et gracieuse. Les enfants imitent ce qu’ils observent. Une attitude bienveillante et posée favorise un climat apaisé. Une éducatrice agressive, brusque va forcément faire monter l’agressivité. « L’éducateur est un modèle vivant » (Maria Montessori).

4. Donner de l’attention dans d’autre occasion :
• Il est possible que l’enfant recherche l’attention de l’adulte, peu importe pour lui qu’elle soit positive ou négative, du moment qu’il en reçoive. Pour prévenir ces comportements, accorder une attention proactive à l’enfant en lui racontant des histoires en tête-à-tête pourrait atténuer ces attitudes

5. Dialoguer avec les parents :
• Informez dès le départ que la morsure est une étape fréquente du développement et non un signe de violence future. Expliquez votre approche pédagogique pour rassurer et impliquer les familles.

• Restez transparent sur les incidents tout en adoptant une attitude constructive et non culpabilisante.

• Croiser les visions, laisser du temps de parole aux parents pour qu’ils puissent exprimer leur perception de la structure d’accueil : comment ils imaginent le déroulé d’une journée. Cela vous permettra de réajuster, si nécessaire, leur attente avec la réalité du terrain. Exemple concret : Si un parent souhaite inscrire son enfant de 2 ans à la garderie pour qu’il se fasse des copains, vous pourrez expliquer, en vous appuyant sur des références théoriques (comme les étapes du développement social), qu’à cet âge, les enfants ne sont généralement pas encore engagés dans ce type d’interactions.

6. Intervenir avec vigilance :
• Lorsqu’une situation conflictuelle semble mener à une morsure, intervenez rapidement pour désamorcer la tension. Par exemple, si vous voyez qu’un enfant s’apprête à mordre pour défendre un jouet, proposez une alternative ou redirigez son attention vers une autre activité.

Une fois la morsure faite

1. Enseigner des alternatives
• Lorsqu’un enfant mord par manque de vocabulaire, guidez-le avec des phrases simples qu’il pourra réutiliser : « Je vois que tu es fâché. Tu peux dire : ‘Je n’aime pas ça.’ » Cette approche concrète aide l’enfant à exprimer ses émotions autrement.

• Encouragez l’enfant à utiliser des mots pour exprimer ses besoins ou désaccords au lieu d’agir physiquement. Phrases-modèles : « C’est à moi ! », « Stop ! », « Aide-moi ! »

2. Sécuriser et apaiser :
• Consoler et soigner l’enfant mordu en priorité, sans dramatiser.

3. Maintenir une attitude calme pour désamorcer les tensions émotionnelles.

4. Donner du sens au geste et rappeler la règle :

• Reformuler avec empathie : « Tu voulais ce jouet et tu as été très fâché. On ne fait pas mal, tu peux dire avec des mots Rappeler les règles et faire en sorte qu’il n’ait ni vaincu ni vainqueur ne pas se poser en juge.

Conclusion

La morsure en collectivité est une étape normale mais délicate du développement des jeunes enfants. Elle demande aux professionnels de faire preuve de patience, d’observation et d’adaptation. En anticipant les situations à risque, en modélisant des comportements positifs et en accompagnant les enfants dans l’apprentissage du langage et de la gestion des émotions, il est possible de transformer ces défis en opportunités éducatives enrichissantes pour tous.

 

« La morsure est un langage avant d’être une agression » – Boris Cyrulnik